J’ai longtemps été agacée par l’évocation du mot pardon. Il déclenchait en moi une révolte, celle de l’enfant à qui on dit qu’il a fauté, qu’on culpabilise, qui doit demander pardon et se soumettre à une autorité extérieure à lui. Longtemps, alors même que j’étais thérapeute, je continuais à bannir ce terme de mon vocabulaire et à l’exclure de la démarche thérapeutique.
Avec le temps, j’ai compris que ce mot avait été détourné de sa véritable vocation. Récupéré par des institutions, par des instances éducatives, il était devenu un instrument pour maintenir les individus dans le rôle de victime.
Beaucoup de termes nobles destinés à élever l’humanité ont ainsi été repris et utilisés abondamment par le vieux monde qui résiste à l’évolution. Dieu, spiritualité, pardon, amour… tous ces mots ont été banalisés et détournés de leur vrai sens profond.
On nous a fait croire que le pardon implique la faute commise. En fait, il implique qu’il y a souffrance, dépendance et ressentiment envers l’autre ou soi-même. Remettre les compteurs à zéro, cesser d’entretenir une telle relation est guérisseur.
Le temps du « c’est ma faute, c’est ma très grande faute » est fini car il n’y a ni faute, ni erreur quand nous comprenons que nous sommes des « voyageurs » venus expérimenter le monde de la matière pour grandir. Il nous faut parfois souffrir et faire souffrir, avant d’arriver à comprendre la vie et la puissance de l’amour et de la compassion.
Pardonner, c’est cesser de donner du pouvoir aux masques de l’autre, à la personnalité qu’il s’est forgée pour survivre. C’est aussi cesser de nous en vouloir pour les actes que nous avons commis et ceux que nous n’avons pas posés. C’est cesser de nourrir les vieux systèmes d’asservissement qui font de nous des victimes ou des bourreaux et souvent les deux.
Pardonner, n’est ni oublier, ni donner à l’autre l’occasion de nous faire du mal à nouveau. C’est passer à l’acceptation de ce qui a été vécu, trouver un nouveau regard qui, au lieu de voir punition ou châtiment, voit opportunité d’aller trouver les ressources en nous pour être encore plus grand.
Pardonner, c’est apprendre à s’aimer et se faire le merveilleux cadeau de quitter la culpabilité, la colère et la dépendance. C’est sortir du duo infernal victime-bourreau et dire comme lorsque nous étions enfant « Pouce ! Je ne joue plus ! ».
Quand on dit à l’autre « Je te pardonne » on affirme que dès cet instant ce que l’autre a fait ne nous touche plus, qu’il n’a plus d’impact sur nous, qu’il n’occupe ni notre esprit, ni notre corps, ni nos énergies. Alors nous passons de la crispation à la fluidité, nous faisons respecter la profondeur de notre être et retrouvons notre dignité. Tant que nous ne parvenons pas à cet état intérieur, nous nous faisons du mal et entretenons la plaie au fond de nous.
Le pardon ne peut être demandé par un tiers, ni exigé. Il n’est pas un acte de soumission ou d’allégeance. Il vient du plus profond de soi, mû par l’amour et la compassion pour soi en premier, puis pour les autres.
Pardonner est le plus bel acte d’amour pour soi que nous pouvons accomplir.
Pardonner, c’est être libre !
Comments